Guérir avec la pensée

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Par Landry Desmoulins
mardi 2 février 2016
Guérir avec la pensée
« Un traitement par injection intraveineuse est souvent plus efficace qu’une simple gélule, un gros comprimé l’est aussi plus qu’un petit, quatre comprimés par jour, plus que deux. » Crédit photo: Pixabay.
« Un traitement par injection intraveineuse est souvent plus efficace qu’une simple gélule, un gros comprimé l’est aussi plus qu’un petit, quatre comprimés par jour, plus que deux. » Crédit photo: Pixabay.
Par l’opération de notre sain esprit, nous activons certaines zones de notre cortex cérébral liées à l’anticipation d’une récompense ou à la conviction d’un soulagement, ce qui déclenche une sécrétion d’endorphines et de dopamine dans plusieurs régions du cerveau. N’y voyez là rien de religieux, ce sont de simples pensées encourageantes qui vont manifester notre propre pouvoir d’oracle autoréalisateur… Alléluia !

Effet placebo, effet de psycho ?

Son effet est variable selon les individus et son action est limitée dans le temps. On sait que l’effet placebo module nos réponses comportementales. Il peut être à l’origine d’un phénomène d’accoutumance et même d’une période de sevrage. On remarque qu’il peut être plus ou moins efficace, selon l’ampleur de la récompense « prévue », ou encore le résultat d’un traitement escompté. Son mode d’administration, sa quantité, mais aussi l’aspect du médicament vont également venir nuancer son action. En ce sens, un traitement par injection intraveineuse est souvent plus efficace qu’une simple gélule, un gros comprimé l’est aussi plus qu’un petit, quatre comprimés par jour, plus que deux… Mieux encore, différentes études confirment l’effet antidouleur de comprimés blancs, l’effet apaisant de comprimés bleus et l’effet stimulant de gélules jaunes ou rouges. Pour couronner le tout, en 2008, l’équipe de Dan Ariely s’est vue récompensée du trophée parodique l’« IgNobel » parce qu’elle a prouvé qu’un placebo dispendieux est bien plus actif qu’un placebo à bas prix !

Aujourd’hui, l’effet placebo n’a plus grand-chose de mystique comme le décrit Michel Le Van Quyen, neurologue reconnu internationalement dans son dernier ouvrage Les pouvoirs de l’esprit : transformer son cerveau, c’est possible ! Il y a 35 ans on découvrait qu’un placebo avait un effet antidouleur équivalent à 5 mg de morphine intraveineuse. Par ailleurs, l’effet placebo se constate invariablement chez environ 30 % des patients toutes pathologies confondues, avec toutefois de fortes variations en fonction de l’affection, allant de 10 % à 60-70 % ponctuellement pour les migraines ou la dépression, et jusqu’à 90 % pour l’arthrite. Depuis des dizaines d’années, toutes les entreprises pharmaceutiques qui réalisent des essais thérapeutiques sont obligées de le prendre en compte dans leur méthodologie. Le placebo ne contient pourtant aucune substance reconnue comme active, juste des paroles encourageantes ou de simples gélules de sucre…

Mais comment ça marche ? De quelle manière cela peut-il se produire ?

Un inhibiteur de la douleur…

Les endorphines sont naturellement sécrétées par notre cerveau. Ces substances ont une composition proche de la morphine. Les endorphines, tout comme la morphine, agissent sur des récepteurs particuliers, les récepteurs opiacés, qui diffusent les messages de la douleur. Lorsque les endorphines ou la morphine sont présentes dans le cerveau, elles ont une capacité analgésique (traitement contre la douleur) et procurent une sensation de bien-être, voire d’euphorie. Vous l’avez peut-être déjà expérimenté lorsqu’au moment de commencer un footing, vos pieds sont douloureux, alors qu’après une demi-heure vous ne les sentez plus…

Dans la prestigieuse revue Science, en 2002, l’équipe du chercheur Martin Ingvard a montré que différentes zones du cerveau possédant de nombreux récepteurs opiacés indiquent une augmentation commune de leurs activités avec un dérivé de la morphine et aussi avec le placebo. Les résultats obtenus avec la nouvelle technologie de pointe démontrent clairement que le dérivé de morphine qui est administré et le placebo utilisent un mécanisme neuronal similaire. C’est donc fait, on peut expliquer pourquoi un effet analgésique peut s’observer avec placebo. Ce sont nos propres endorphines !

La science commence ainsi à comprendre ce que nos intuitions nous évoquent, qu’une attitude mentale positive est déterminante dans le processus de guérison. Il semblerait alors qu’à force d’être autosuggérée, une pensée soit susceptible de se transformer en une réalité physiologique.