Un réseau social vraiment anonyme ?

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mercredi 19 novembre 2014
Un réseau social vraiment anonyme ?
Crédit photo : flickr.com/mtsofan et Canary
Crédit photo : flickr.com/mtsofan et Canary
Critiquer ses professeurs, ses collègues de classe ou de travail sans risque de représailles, c’est maintenant possible. Lancée le 10 novembre dernier, l’application Canary est un défoulement anonyme pour le milieu professionnel. Mais attention aux conséquences.
Il demeurera toujours possible de retracer une personne en ligne, et le risque quant à la divulgation des renseignements est bien présent.

Le réseau social Canary permet aux membres d’une compagnie ou d’une institution d’exprimer leurs critiques, de partager des ragots ou de parler de leur expérience en ligne de façon anonyme. En s’inscrivant avec une adresse courriel de l’UdeM, par exemple, il est possible de publier dans le groupe de l’institution sans être reconnu.

Le sentiment d’impunité qui se rattache à l’anonymat est le plus grand danger de cette application. Il peut conduire à tenir des propos qui vont porter atteinte à l’honneur d’une personne ou d’une institution. Il s’agit alors de diffamation.

Bien que le créateur de Canary ait déclaré qu’il n’y avait aucun risque de voir son identité révélée, la réalité est toute autre. Les mécanismes, même s’ils sont difficiles a mettre en œuvre, pourraient, à terme, lever le voile de l’anonymat et exposer le participant à de lourdes conséquences. 

Poursuites en diffamation

Comme le concepteur de l’application s’est engagé à retirer tout message dont le contenu est signalé comme diffamatoire, il est protégé des poursuites en tant qu’hébergeur. Cependant, la personne visée par un message pourrait poursuivre l’auteur des propos sur la base de la diffamation.

Dans le cas d’un recours juridique pour diffamation, si l’atteinte à la réputation de la personne est avérée et cause un préjudice suffisamment important, une cour de justice pourra ordonner à l’entreprise de lever l’anonymat de la personne dont le message est en cause, pour lui demander de répondre de ses propos. Si la personne est reconnue responsable, elle sera contrainte de verser une somme d’argent à titre d’indemnité et des dommages et intérêts pour réparer le préjudice.

Dans le cas de cette application, un doute quant à la véritable identité de la personne en cause semble limité, car cette dernière doit s’inscrire avec son propre courriel institutionnel. Il serait donc difficile de plaider une erreur sur la personne dans un tel cas.

Une réputaiton en jeu

Le scandale récent qui a visé l’application Whisper a montré que la compagnie pouvait retrouver les données de géolocalisation de ses membres, de même qu’elle conservait l’ensemble des messages transmis.

Dans le cas de Canary, ses administrateurs disposent de données encore plus précises, puisque les membres publient des informations sur le fonctionnement de leur compagnie ou de leur institution. La divulgation d’informations sensibles, voire de secrets commerciaux pourraient conduire la compagnie à poursuivre les l’employé qui en a trop dit, si des concurrents venaient à utiliser ces informations.

Au-delà du réseau social, la question de l’anonymat sur internet et son impact sur la réputation ouvre à débat. Il demeurera toujours possible de retrouver une personne en ligne, et le risque quant à la divulgation des renseignements est bien présent. L’espace virtuel n’est pas un espace de non-droit, sans compter que sa mémoire permet un archivage des propos. Il est donc important de porter une grande attention à ce que l’on dit…. même anonymement.