Lecture sur écran : le risque du dépaysement

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Par Marie-France Mercier
vendredi 24 octobre 2014
Lecture sur écran : le risque du dépaysement
Les publications en ligne offrent une intermédialité qui n'est pas possible avec la littérature traditionnelle.
Courtoisie : flickr/Daniel Rehn
Les publications en ligne offrent une intermédialité qui n'est pas possible avec la littérature traditionnelle.
Courtoisie : flickr/Daniel Rehn
Le mois dernier, les Presses de l’UdeM (PUM), en association avec la Direction des bibliothèques de l’UdeM, annonçaient la mise en ligne de dix titres tirés de leur catalogue en libre accès. Toutefois, ces nouvelles versions électroniques ne tirent pas pleinement profit de leur nouveau médium.
Les potentialités du numérique (animation, interactivité, programmation) ne sont pas entièrement exploitées dans ces nouvelles versions électroniques.

Pour les PUM et la Direction des bibliothèques de l’UdeM, proposer des contenus en libre accès allait de soi dans un contexte de diffusion des savoirs. Le libre accès permet aux utilisateurs de consulter gratuitement les dix titres ou de les télécharger en ePub ou en Pdf. Il est certainement avantageux de garder dans son ordinateur ou sa tablette des livres de référence, en l’occurrence des titres comme Petit guide de survie des étudiants et Montréal en paysages.

Des versions homothétiques

Par contre, les potentialités du numérique (animation, interactivité, programmation) ne sont pas entièrement exploitées dans ces nouvelles versions électroniques. On ne peut presque pas relever de différences entre la version papier et la version numérique. Après un tour d’horizon des dix titres, il y a presque correspondance exacte entre les deux versions.

L’apparence suggère même une simple transposition (ou homothétie). Les hyperliens, qui peuvent briser la linéarité de la lecture et créer un autre parcours, passent presque inaperçus. Les exigences des méthodes scientifiques ne permettent pas nécessairement un jeu sur la forme et sur la présentation, mais une surbrillance des hyperliens aurait encouragé un mode de lecture quelque peu différent.

Le numérique n’est pas vu comme un domaine de possibilités, mais comme un simple médium de diffusion permettant une meilleure accessibilité au savoir. Bien sûr, cet usage du libre accès et du numérique n’est pas à réprimander puisqu’ils n’en sont qu’à leurs premiers balbutiements.

Du côté de la littérature numérique

En attendant, si on veut déranger nos habitudes de lecteur, on peut toujours lire des créations numériques résolument travaillées en ce sens. Dans ces créations se déploient images animées, sons intégrés, textes défilants, hyperliens, etc. La lecture est  loin d’être linéaire.

C’est notamment le cas du blogue littéraire et photographique Hoche’élague écrit par Benoit Bordeleau et Miriam Marcil-Bergeron, tous deux étudiants à l’UQAM. Le blogue présente une accumulation de déambulations et de témoignages sur le quartier montréalais.

La présentation des fragments, plus ou moins quadrillée, ne permet pas de déterminer quel fragment on doit lire en premier et quel est le véritable fil de l’intrigue. D’ailleurs, doit-on supposer que les fragments sont bel et bien liés sur le plan narratif ? Doit-on lire de façon chronologique ou antichronologique ? Il n’y a pas moyen de le savoir. Il convient également de s’interroger sur le rapport entre le texte et l’image.

Il est difficile de se faire une idée globale de ce type de création et d’apposer des étiquettes comme « roman » ou « autofiction ». Les frontières entre les arts deviennent de plus en plus poreuses, ce qui a de quoi déstabiliser les lecteurs d’aujourd’hui et de demain.

Risquerez-vous le dépaysement ? Tenterez-vous l’expérience d’un autre mode de lecture ? À vous de voir !