De la publicité ciblée… aux toilettes

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mercredi 8 octobre 2014
De la publicité ciblée... aux toilettes
La compganie Newad propose aux entreprises d’augmenter la pertinence de leur publicité en la diffusant sur support numérique dans les lieux spécifiquement fréquentés par les étudiants que sont les campus, les bars et les centres sportifs.
Crédit photo : Courtoisie Newad
La compganie Newad propose aux entreprises d’augmenter la pertinence de leur publicité en la diffusant sur support numérique dans les lieux spécifiquement fréquentés par les étudiants que sont les campus, les bars et les centres sportifs.
Crédit photo : Courtoisie Newad
Fini l’affichage publicitaire traditionnel. Les tablettes géantes qui diffuse des publicités fleurissent dans divers lieux publics, dont certains qui peuvent poser un dilemme éthique : les toilettes.

Les panneaux publicitaire numériques posent un problème éthique puisqu’ils sont capables d’enregistrer des visages grâce aux capteurs de mouvements qui y sont intégrés. Les images captées permettent aux publicitaires d’étudier l’impact de leur message sur le public selon les principes de l’oculométrie.

Toutefois, elles ont aussi pour effet collatéral de permettre l’identification des individus. La présence de tels dispositifs dans des toilettes renforce pose un problème de confidentialité. Au delà du simple profilage publicitaire, le danger est d’autoriser et de banaliser l’intrusion de capteurs vidéo dans l’intimité la plus protégée.

L’oculométrie c’est quoi ?

L’oculométrie, aussi connue sous le nom d’eye-tracking est une technologie permettant d’enregistrer les mouvements oculaires à l’aide de capteurs infrarouges pour calculer la direction du regard du sujet. Cette technologie est aujourd’hui utilisée par les publicitaires pour analyser la trajectoire du regard des individus et la réception du message publicitaire qui leur est présenté pour optimiser la vente d’espaces publicitaire.

Le Commissariat à la vie privée du Canada – qui sanctionne les atteintes au droit à la protection des renseignements personnels – n’a pas encore été saisi de la question. Cependant, il a réagit sur la présence de caméras de vidéosurveillance dans les toilettes, pour mentionner que celles-ci ne pouvaient en aucun cas être utilisées.

Cette réaction porte à croire que le commissariat refuserait le risque de dérives portées par la présence de capteurs de mouvements capable d’enregistrer des visages des individus dans ce type de lieu.

La question s’est déjà posée lors de l’installation dans le métro parisien de panneaux publicitaires numériques, appelés Numéri-flash. Le 19 avril 2009, la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) estimait que les données collectées étaient à caractère personnel dans la mesure où elles peuvent permettre d’identifier une personne. Elle a cependant autorisé la mise en place de tels panneaux, car l’entreprise assurait que les captations étaient rendues anonymes rapidement et que les images n’étaient pas enregistrées.

Un risque connu du commissariat à la vie privée

En 2011, le Commissariat a par ailleurs déjà pris connaissance du danger d’intrusion que peuvent représenter les capteurs de mouvements.

Dans une affaire qui mettait en cause le système Välkky, un dispositif qui utilisait des caméras pour détecter les piétons et ainsi éviter les accidents aux passages piétonniers, l’expert en technologie et fondateur de Urbanscale, Adam Greenfield,  avait exposé ses réserves quant à la présence de capteurs de mouvement dans l’espace public. « Nous savons que, aux yeux d’un spécialiste du marketing, tous les spectateurs potentiels ne sont pas égaux; des personnes faisant partie de certaines catégories démographiques sont considérées comme ayant un plus grand revenu, ce qui fait qu’il est plus désirable et intéressant de capter leur attention », avait-il mentionné lors de l’audition.

Selon lui, l’idéal pour un publicitaire ne serait alors pas de calculer simplement le mouvement des yeux, mais de capter certaines caractéristiques de la personne qui regarde, comme son groupe d’âge, pour voir si la classe ciblée par la marque réagit en fonction de la publicité diffusée. Cela signifie que des informations plus précises pourraient être tirées des fameux capteurs installés et compromettre davantage la vie privée du public.