Titre Manquant

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Par Anne-Sophie.Carpentier
samedi 19 février 2011
Titre Manquant

Après le très remarqué spectacle Sauce brune, Simoniaque Théâtre revient avec une nouvelle « comédie grinçante », Soupers ,présentée dans une scénographie immersive, où les acteurs et les spectateurs sont placés dans un seul et même espace : une salle de restaurant. Un suspense rythmé qui explore le thème de la solitude, mené d’une main de maître par Simon Boudreault.

Les spectateurs ont comme voisin de table Marc-Antoine, un trentenaire obèse, concepteur de jeux vidéo qui habite seul avec son chat Guy. Pour Marc-Antoine, esseulé et mal dans sa peau, manger abondamment est un bouclier et une béquille remplissant le vide qui l’habite. Personnage fragmenté, il éprouve une grande difficulté à entrer en relation avec les autres, surtout avec les femmes. L’autre moitié de sa vie, il la passe dans le monde virtuel des jeux vidéo. Un monde binaire et simple dans lequel il est puissant et en contrôle.

À cheval entre le comique et le tragique, Soupers construit une intrigue captivante que l’auteur et metteur en scène Simon Boudreault qualifie de « polar de la vie quotidienne ». La structure dramatique morcelée interrompt et juxtapose les dialogues jusqu’à brosser le portrait troublant de Marc-Antoine, un jeune mâle incapable de prendre sa place face aux femmes.

D’une table à l’autre lors de soupers en tête-à-tête, Marc-Antoine se fait rabrouer comme un enfant par sa mère le soir de son 33e anniversaire. Il se fait  manipuler par sa sœur « à boute » qui l’oblige à jouer les intermédiaires dans la guerre sournoise qu’elle mène à sa mère depuis toujours. Et puis, il se fait repousser par sa jeune et belle collègue de travail pour qui il nourrit un amour obsessif. Il se heurte à ces femmes à qui il n’ose rien confier et qui le laissent seul, humilié et sans voix. Heureusement, il y a les jeux vidéos et surtout les soupers seul à seul en compagnie de son chat Guy, à qui il confie ses pensées les plus intimes.

Alexandre Daneau interprète avec finesse Marc-Antoine, ce jeune homme obèse, renfrogné et peu sûr de lui, incapable d’exprimer ses désirs et ses limites. Dans le rôle de la mère, la comédienne Suzanne Clément nuance avec une succulente maestria le personnage de cette marâtre manipulatrice. Caroline Lavigne surprend et épate en copie  « jeune » de sa mère. Dans son rôle de serveuse et de collègue de travail, Catherine Ruel incarne avec une clarté désarmante toute l’ambiguïté féminine qui rend l’homme médusé.

La mise en scène fait tomber le quatrième mur. Cette proximité avec les acteurs accentue d’autant plus l’effet de distanciation créé par la présence de véritable nourriture et par les pancartes qui informent du contenu des assiettes. Le décor ingénieux de Julie Measroch rend la mécanique du service des plats et des changements de lieux avec rythme et légèreté.

Avec Soupers, Simon Boudreault poursuit sa réflexion sur la difficulté du rapport à l’autre. Une réflexion présente dans le fond et la forme, sur une époque où le temps nous manque et où les repas représentent nos derniers rituels sociaux. Une interrogation sensible sur le bouleversement des rapports hommes-femmes et notre rapport au monde alors que le virtuel prend parfois le pas sur la vie.

Simoniaque Théâtre présente Soupers à la Salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 26 février 2011