Titre Manquant

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Par Christine Vallee Vachon
jeudi 27 janvier 2011
Titre Manquant

Projet Andromaque, pièce mise en scène par Serge Denoncourt, reprend l’œuvre originale de Racine en la modernisant. Dans la distribution figure Anne Dorval, qui interprète avec passion le rôle d’Hermione. Regard sur une pièce tragique intemporelle.

Au milieu de la scène trône une immense table bordée de chaises. Devant chaque chaise, une liasse de papier et une petite lampe individuelle. La salle est séparée en deux rangées de spectateurs qui se font face. Le spectacle commence. Les acteurs entrent à tour de rôle, s’installent à la table, se servent un verre d’eau. Les femmes portent des robes et des chaussures à talons hauts, les hommes sont en t-shirt ou chemise. Tous portent du noir. Rien à voir avec les costumes de l’époque de Racine. Penchés sur leur texte, les acteurs commencent la lecture d’Andromaque.

J’ai peur que la pièce se déroule ainsi pendant 1h50. Heureusement, certains acteurs se lèvent, se déplacent. On voit bien qu’ils connaissent leur texte par cœur et que la période de lecture faisait simplement partie de la mise en scène (quoique le texte est tellement complexe qu’on leur aurait pardonné de ne pas tout savoir par cœur).

On est en Grèce, après la guerre de Troie. Oreste est fol amoureux d’Hermione, qui elle aime Pyrrhus, son futur mari. Mais Pyrrhus n’a d’yeux que pour Andromaque, qui est la veuve d’Hector, roi des Troyens. Pyrrhus tient Andromaque prisonnière et lui demande de l’épouser, sous la menace de tuer son fils. Mais Andromaque aime encore son mari et ne peut se résoudre à le trahir en épousant son meurtrier.

La table se sépare en deux, l’éclairage et la musique se mettent de la partie. Tout pour suggérer la gravité de ce qui est en train de se passer sous nos yeux. Les dialogues n’impliquent que deux personnages à la fois; comme il n’y a pas de coulisse, les acteurs qui ne jouent pas s’assoient sur des chaises en retrait et assistent comme nous au spectacle.

Les acteurs rendent merveilleusement bien le désespoir et la passion des personnages. Leur cœur balance constamment entre l’amour et la haine. Haine dirigée contre l’être aimé qui ne répond pas aux avances, qui humilie et rejette. Mais le désespoir d’Hermione et d’Oreste surpasse vraiment celui des deux autres. Hermione s’empêtre dans son orgueil, qui lui fait détester à mort celui qu’elle aime. Elle commande à Oreste de tuer Pyrrhus en échange de quoi elle acceptera de partir avec lui. Oreste, lui, est prêt à tout pour combler celle qu’il l’aime, même à tuer son roi. On sent bien la passion qui l’anime lors d’une scène sensuelle où il tient Hermione contre lui, la respiration saccadée. Quand il comprend que le geste qu’il a posé blesse Hermione au lieu de la satisfaire, son désespoir atteint son paroxysme et il ne peut plus se tenir debout.

Interpréter un texte original en vers représente un défi de taille pour les acteurs et c’en est un aussi pour les spectateurs que de rester concentré pour bien suivre l’histoire. Il suffit de ne pas se laisser impressionner et de se laisser happer par les paroles pour apprécier le spectacle. C’est là qu’on prend conscience de l’ingéniosité de Racine et du grand talent des acteurs. Pour ce qui est de la mise en scène, je la trouvais trop moderne et trop originale au début, mais en fin de compte, la table permet à l’action de se dérouler sur deux niveaux, ce qui rend la pièce plus dynamique. Et quand les acteurs déclament leur texte du haut de la table, ça ajoute à la grandeur de leur personnage.

Petit bémol: avoir choisi un acteur trop beau pour jouer Oreste. Comment Hermione peut-elle rester insensible à ce beau et fougueux jeune homme pour lui préférer un homme mûr et grisonnant?

En bref, Projet Andromaque est une pièce qui peut être rébarbative au début parce qu’elle exige de la concentration et de l’ouverture d’esprit. Mais, quand on accepte de fournir cet effort, on peut plus facilement se laisser transporter par la tragédie.

Projet Andromaque est présenté à l’Espace GO jusqu’au 12 février.