Titre Manquant

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Par Pascaline David
vendredi 24 septembre 2010
Titre Manquant

Le Théâtre La Chapelle accueillait sur scène, jeudi soir, quatre comédiens, deux musiciens, cinq réfrigérateurs, deux laveuses, quelques mascottes et une avalanche d’oranges. La compagnie de théâtre performatif Système kangourou  y présentait la première montréalaise de la pièce Mobycool.

« Je prends une grande bouffée d’air frais dans mon frigo de marque Mobycool. Dernier modèle », scandent d’entrée de jeu les comédiens, avant de s’engouffrer la tête dans quelque congélateur. Comme tout électroménager dans une cuisine, les réfrigérateurs sur scène occupent et décorent tout l’espace. Contrairement au vôtre, de frigo, ceux-là sont vides et symbolisent la perte de sens qu’engendre la société de surconsommation.

Anne-Marie Guilmaine a écrit Mobycool dans l’objectif de dépeindre, au delà de l’utopie du rêve américain, le vrai visage de l’Amérique. La trame narrative se construit autour des récits de voyage des personnages : différents lieux, tons variés, même désillusion face à l’Amérique. « L’Amérique n’est pas ce snack bar sympathique où il possible de commander sur un air de Sweet Home Alabama », dénonce le personnage joué par Pierre-Antoine Lasnier, déconcerté par l’écart entre son idéal de Reno, Nevada, et la décevante réalité.

Les personnages de Mobycool sont aux prises avec un mal-être généralisé, généré en grande partie par le fossé créé entre l’idéal américain et la réalité sur le terrain. À Pittsburgh, le personnage joué par Claudine Robillard se fait léguer une photo racornie par une « blonde platine improbable » (d’origine chinoise). Le personnage est ébranlé : la photo représente quelques vieux pêcheurs chinois, qui semblent heureux. « C’est sûr qu’à se fendre le cul pour trouver un restant de joie dans un quotidien de merde, ça doit donner du sens ! » philosophe la jeune femme, se questionnant sur le vide de sa propre existence. Pourquoi l’Amérique, si confortable en apparence, souffre-t-elle d’un tel malaise existentiel ? De la perte de repères au  désir/besoin de gloire, Mobycool ratisse large sur le terrain de la psychologie américaine.

« En Amérique, on a la prétention de penser qu’on peut tout changer. Moi c’est mon rire que je veux changer. Il ne me convient pas du tout, ça fait 30 ans que ça dure! » s’exclame le personnage joué par Claudine Robillard, avant de présenter aux spectateurs des propositions de nouveau rire, et de les faire voter pour leur préféré (« après tout, on est dans un pays supposément démocratique »). S’attaquant à toutes les fausses illusions présentes sur le continent en entier, Mobycool dresse un portrait juste des sociétés concernées. Si la pièce est un peu longue, elle est toutefois superbement dosée : performances théâtrales et musicales énergiques, effet de catharsis remarquable, bonne utilisation de l’humour et du ketchup, intéressante relation avec le public. Il convient de souligner l’hommage à Patrick Swayze et le clin d’œil à Dirty Dancing (« Le film qui a scrapé ma conception des relations amoureuses », confie le personnage joué par Ariane Boulet ).

Mobycool est la cinquième production de Système Kangourou.

Elle est présentée du 23 septembre au 2 octobre au Théâtre La Chapelle.

Texte et mise en scène d’Anne-Marie Guilmaine

Avec Claudine Robillard, Alexis Lefebvre, Pierre-Antoine Lasnier et Ariane Boulet