Étudiants sans banque

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Par Camille Feireisen
mercredi 2 septembre 2015
Étudiants sans banque
Crédit photo: Flickr/Carissa Rogers
Crédit photo: Flickr/Carissa Rogers
D’après un récent sondage de la Banque canadienne CIBC*, près de la moitié des étudiants canadiens redoutent de s’endetter durant leurs études. Certains sont aidés par leurs parents et d’autres choisissent de travailler. Portraits d’étudiants qui financent leurs études autrement que par les prêts.
« Je n’ai pas les derniers vêtements à la mode, je n’ai pas le iPhone avec le forfait à 60 dollars par mois et je ne mange pas au restaurant tous les soirs. »
Myriam Gagné Étudiante à la maîtrise en études internationales

« Mon objectif est de terminer mes études, que je paie seul, sans la moindre note de crédit », annonce l’étudiant au baccalauréat en économie et politique Raphaël Guillemette. Durant l’été, l’étudiant travaille 60 heures par semaine. Le reste de l’année, il jongle avec trois emplois, à raison de 15 heures par semaine, et l’université.

S’il demeure difficile de chiffrer la dette étudiante, un étudiant québécois inscrit à l’université à temps plein paie environ 3 000 dollars par année**. Selon le sondage réalisé par la CIBC, plus du tiers des étudiants s’attend à ce que ses dettes soient supérieures à 25 000 dollars à la fin de ses études.

La dette connaît de nombreuses variantes. « Beaucoup ont des dettes très élevées, comme dans les facultés de médecine, et les banques vont elles-mêmes contacter les étudiants pour leur proposer des prêts en sachant qu’ils vont avoir des revenus élevés plus tard », explique la professeure au Département des sciences économiques ESG-UQAM Catherine Haeck.

Priorités et budget

Quand contracter des dettes est inévitable, planifier son budget devient primordial. « Il ne faut pas dépenser pour du superflu, précise l’étudiante à la maîtrise en études internationales Myriam Gagné. Je n’ai pas les derniers vêtements à la mode, je n’ai pas le iPhone avec le forfait à 60 dollars par mois et je ne mange pas au restaurant tous les soirs. »

Il s’agit de règles de vie simples, selon l’étudiant au baccalauréat en informatique Guyvens Janvier. « Je ne consomme pas d’alcool, je ne sors pas dans les bars, je ne fume pas et je cuisine, décrit-il. J’ai eu un remboursement d’impôts qui m’a aidé et je vis en colocation pour moins de 300 dollars par mois. » Le jeune homme travaille à temps plein durant les vacances de Noël et l’été, et à temps partiel durant l’année scolaire.

Tous ont le mot « prioriser » à la bouche comme ingrédient gagnant des budgets serrés. Raphaël a décidé de tirer bon parti de ses choix. « Je pratiquais un sport de haut niveau et j’ai diminué le nombre d’heures que j’y consacrais pour travailler les soirs durant l’école, raconte-t-il. Je délaisse les activités extrascolaires pour valoriser l’expérience sur mon CV. »

Prolonger son séjour au domicile familial

Selon le sondage, seuls 22 % des parents participent aux frais de subsistance de leurs enfants. L’étudiante au baccalauréat en science politique et philosophie Camille Tardif bénéficie de cette aide. Elle ne paie que ses livres et ses frais de stationnement. « Chez nous, ça se passe comme ça : si je reste à la maison, tout est payé, commente-t-elle. Par contre, si je décide de partir, c’est moi qui paie tout ».

Pour d’autres, vivre chez ses parents permet aussi et surtout d’économiser un loyer. « Après des études collégiales qui m’avaient déjà occasionné de bonnes dépenses, alors que j’habitais en résidence, je suis revenu vivre chez mes parents pour l’université », indique Raphaël.

Éviter le crédit à tout prix

L’étudiante au certificat en relations industrielles Alexandra Biyele a complété un certificat en coopération internationale en deux ans. Agente au guichet de la Banque Royale du Canada, Alexandra craint le surendettement. « Les taux d’intérêt ne sont pas si tendres d’après mon analyse, déclare-t-elle. Et par déformation professionnelle, je vois souvent des gens qui ont du mal à gérer leurs dettes quand je les reçois pour une opération. »

Certains sont également prêts à reconsi­dérer la durée de leurs études pour atteindre leurs objectifs sans emprunter. « Je ne suis pas de l’école du crédit, résume Raphaël. Je sais que les coûts occasionnés par la poursuite de mes études pourraient m’entraîner à prendre une ou deux années de pause en travaillant à temps plein pour régler tous mes paiements. »

Comme ces étudiants, Mme Haeck pense qu’il s’agit aussi d’un choix personnel et de responsabilisation. « Certains empruntent trop, expose-t-elle. Il faut être préparé à faire face aux banques qui peuvent parfois être agressives et les inciter à emprunter des montants dont ils n’ont pas besoin. »

Ainsi, pour mieux gérer ses revenus, certaines banques proposent des applications et calculateurs de budget. Sur le site de l’UdeM, dans le guide d’admission et des programmes d’études, un budget type est affiché et des séances d’information du Bureau de l’aide financière sont ouvertes régulièrement aux étudiants.

* Sondage mené pour la Banque CIBC et révélé le 20 août 2015, auprès de 992 étudiants postsecondaires au niveau canadien.

** Source : site de l’UdeM